La Vie des Autres (Das Leben der Anderen)

 

Un film de Florian Henckel von Donnersmarck

 

Avec Ulrich Mühe, Sebastian Koch, Martina Gedeck, Ulrich Tukur

 

L’Allemagne regarde encore avec une certaine distance son passé, son histoire. Après la controverse soulevée par La Chute, qui présentait les derniers jours de la vie d’Hitler, le cinéma allemand nous propose aujourd’hui de plonger dans l’histoire plus récente.

 

En effet, La Vie des Autres aborde un sujet encore sensible, celui de la Stasi, la police « secrète » de l’ex-RDA, véritable organe de contrôle du peuple.

 

La Vie des Autres parle d’un auteur à succès et de sa compagne, comédienne, érigés en symbole de la culture est-allemande. Malgré tout, ils sont mis sous surveillance par la Stasi et un agent, Gerd Wiesler, est chargé de leur surveillance permanente.

 

Le film démontre avec méticulosité la puissance de la Stasi, la puissance d’impression, de contrôle, de connaissance qu’elle pouvait accumuler et utiliser à sa guise pour faire plier toute personne. Les rares personnes qui étaient contre les idées du parti, qui en déshonoraient les dirigeants, étaient en proie à des représailles terribles, dont l’emprisonnement, la mise au ban de la société par des menaces envers quiconque fréquenterait l’individu en question…

 

Un système froid, impitoyable duquel ne semble s’échapper aucune humanité.

 

Alors que l’agent Wiesler découvre la véritable raison de cette surveillance envers le couple d’artistes, il décide de contourner le système, de confondre les preuves, de créer d’autres vérités que celles que voudraient entendre ses supérieurs. Wiesler est pourtant un agent méticuleux et tout aussi redoutable que ses pairs, fidèle mais soupçonné comme tous, honnête mais toujours surveillé, sans perspective d’avenir que celle qu’il a actuellement, une vie simple dans un immeuble fade, pas de femme, pas d’enfants… une vie entièrement dédiée au parti et à la surveillance de ses compatriotes, pour essayer d’en confondre le plus grand nombre.

 

Etonnamment, et avec la même minutie dont il fait preuve dans ses interrogatoires, dans ses surveillances, il va se jouer du système pour essayer de sauver quelque chose, quelqu’un, son âme.

 

Très bien documenté, tourné en partie dans les ex-locaux de la Stasi, La Vie des Autres évoque ce système, connu de tous, mais dont finalement nous ne connaissions que les conséquences dramatiques. Le film raconte aussi comment certains allemands ont résisté à la pensée unique, à la dictature froide et impitoyable de l’ex-RDA, et plus largement de l’ex-URSS.

 

Il fallait faire preuve de courage pour oser s’attaquer à une organisation aussi puissante et aussi renseignée sur chaque individu. Mais c’est grâce à ces personnes que le Mur a enfin pu tomber et à l’URSS de se dissoudre.

 

Ulrich Mühe, qui incarne l’agent Wiesler, joue de l’ambiguïté de son personnage à merveille, ne dévoilant jamais réellement son vrai visage à l’un ou l’autre des camps. Fonctionnaire docile et obéissant, il connaissant pourtant la portée de ses actes et ses conséquences, pour lui, mais aussi pour ceux qu’il essayait de protéger.

Aux côtés d’Ulrich Mühe, Sebastian Koch et Martina Gedeck forment le couple d’artiste ciblé par la Stasi, et Ulrich Tukur interprète le supérieur de Wiesler, Grubitz, responsable dévoué au parti et qui aimerait beaucoup pouvoir monter en grade.

 

Premier film de Florian Henckel von Donnesmarck, La Vie des Autres est une réussite, couronnée de 7 Lola (les César allemands), et plus récemment récompensé aux European Film Awards. Entouré de Gabriel Yared pour la musique, compositeur notamment Bon Voyage, L’amant ou encore Zone Rouge, le cinéaste a su donner à son œuvre une dimension politique et non manichéenne de l’histoire allemande, se gardant bien de juger hâtivement collaborateurs ou fonctionnaires du régime.

 

La Vie des Autres est un film important, car il évoque l’Histoire récente, douloureuse, de l’Allemagne. Nombreux sont ceux qui ont servi la Stasi, le régime communiste d’ex-RDA, nombreux sont ceux qui ont été brisés par ce régime impitoyable et dictatorial, nombreux sont ceux aujourd’hui qui doivent vivre avec la responsabilité de leurs actes passés.

 

Ce film, par son écho, est aussi une reconnaissance de la douleur endurée par le peuple allemand durant cette période sombre de son Histoire.

 

Arnaud Meunier

05/02/2007